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m. paul bourget

est immuable dans la nature humaine, à ce qui nous est commun avec nos pères et nous le sera avec nos descendants, à ce qui établit entre tous les hommes de tous les temps et de tous les pays un lien naturel, une parenté latente. Passions, vices, vertus, peu lui importe ; ce qu’elle veut alors, c’est ce qui est de l’essence même de l’homme, ce qui est éternellement humain. Lorsque viendra le moment de la mise en œuvre, elle se concentrera tout entière dans la genèse du sentiment qu’elle prétend retracer, le poussant jusqu’à l’extrême, le mettant en relief, au premier plan, comme le principal sujet de l’ouvrage. C’était — on le sait — le procédé des Classiques. Ouvrons Corneille, Molière, Racine : que trouvons-nous dans leurs pièces ? Une passion, un vice, un ridicule, un héroïsme, emplissant tout un cœur, y régnant despotiquement, sans conteste, étant tout le personnage, ou à peu près. Nous avons Hermione, Harpagon, Trissotin, Horace, c’est-à-dire non pas seulement une amante jalouse, un avare, un pédant ou un héros, mais l’amour jaloux, l’avarice, la pédanterie, l’héroïsme. Les Classiques quintessenciaient, généralisaient et personnifiaient. Ils étudiaient les passions humaines dans leurs traits caracté-