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PSEUDO-SONNET-MORATORIUM


à mon propriétaire.


Bonjour, monsieur ! Sachez que, ce trimestre-ci,
je compte négliger de vous payer mon terme :
le moratorium l’exige ainsi. Que si
vous rouspétez, mon Dieu ! je répondrai : « La ferme ! »

À ce coup, n’allez pas émouvoir les huissiers
mais notez, s’il vous plaît, que dans votre bicoque,
les vents coulis bravant l’anthracite et le coke,
il ne messiérait point que vous réparassiez.

Vous payer ? il y faut pécune dont je manque,
à défaut de toucher mes coupons à la banque :
« De plus beaux jours luiront », vaticinait Schaunard !

En attendant, mon cher, ce qui surtout importe
c’est que vous ne pouvez me flanquer à la porte.
Pour acompte agréez ce sonnet goguenard.


Le ci-dessus pseudo-sonnet fut en octobre 1914 expédié sous pli recommandé à mon propriétaire, M. Lucien P…, lequel en le lisant pensa mourir de rage, mais huit jours après le même proprio manqua trépasser d’allégresse en recevant le montant du terme qu’il avait cru à l’eau ! Ainsi par deux fois je faillis causer la mort de cet honoré philanthrope.

(Note de l’Auteur).