Page:Fourier - Sur l'esprit irréligieux des modernes et dernières analogies 1850.djvu/19

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ont affaibli l’amour de Dieu, en raison des devoirs, austérités et supplices qu’elles ont mis en jeu pour le produire.


La religion ancienne avait le bon esprit de s’attacher les jeunes gens d’un et d’autre sexe par sa tolérance et son respect pour la volupté qu’on honorait d’un culte religieux poussé à des excès ridicules. Les dames romaines, tant prônées par la philosophie, faisaient pieusement la procession du Phallus arboré en bannière. L’austère Caton, l’oracle de la morale, applaudissait aux jeunes gens qui fréquentaient les maisons de femmes publiques, et les appelait de vertueux enfants qui ne cherchaient pas à troubler les ménages. Il faut remarquer qu’une circonstance extraordinaire, l’absence des maladies syphilitiques, favorisait ces coutumes. Quoi qu’il en soit, la multitude et surtout la classe opulente, s’attachaient aux dieux en raison de cette licence non dangereuse alors. La jeunesse aimait Dieu, qui aujourd’hui n’a pas un ami sincère parmi les jeunes gens. Tel est le côté faible des cultes modernes ; c’est principalement leur intolérance pour la jeunesse qui a causé l’irréligion. J’insiste par un exemple.

Périclès et Aspasie sont amants. Vous leur opposez un dieu irrité de leurs plaisirs et qui les plongera dans des brasiers éternels pour les punir de leurs innocentes jouissances. Nécessairement le couple amoureux se moquera d’un pareil dieu, et n’y croira pas : il prendra en aversion son culte et ses ministres. Mais Périclès et Aspasie donnent le ton à la brillante jeunesse, qui le communique aux classes inférieures. Dès-lors l’irréligion envahit tout par la puissance du ton ou mouvement d’opinion imprimé par la jeunesse ou âge central. Là-dessus interviennent les philosophes, toujours habiles à profiter des chances d’intrigue, qui voient dans ce mouvement irréligieux un moyen de courtiser Périclès et les grands de sa caste ; ils attaquent par la raillerie un culte incommode aux classes opulentes et défectueux en mécanisme, ainsi qu’on l’a vu plus haut. Bientôt la génération est entraînée par cette tactique de raillerie, et l’irréligion devient peu à peu vice dominant. Le culte est sapé dans sa base par l’influence secrète des jeunes gens révoltés contre un dieu ennemi de leurs plaisirs.

Quels sont les auteurs de ce désordre ? ce sont les auteurs des dogmes terribles qui heurtent la classe opulente, indisposent la jeunesse, classe pivotale en mécanisme affectueux, et sans l’intervention de qui l’on ne peut ni établir l’amour de la divinité, ni fonder solidement l’esprit religieux. Négliger en système religieux la conquête de la jeunesse, c’est manœuvrer comme un général qui entrouvre son centre et laisse couper ses lignes. Telle a été l’attaque de la philosophie. Elle a porté et porte encore sur le centre du système social dégarni par la défection des