Page:Fourier - Sur l'esprit irréligieux des modernes et dernières analogies 1850.djvu/42

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3o Les anciens n’avaient pas l’expérience des vices du mécanisme civilisé. La Civilisation était jeune et novice, enivrée de toutes les illusions. Les très-petites républiques de la Grèce étaient son berceau, son unique germe ; il leur était pardonnable de s’enorgueillir comparativement aux Barbares voisins, et de croire que la Civilisation toute nouvelle encore était voie de perfectionnement. Aujourd’hui ses plus engoués partisans sont nécessairement désabusés : vingt-cinq siècles d’épreuves sur tant de vastes empires ont amplement dissipé les prestiges. Telle illusion qui était excusable chez les Grecs devient honteuse chez les modernes. Ils sont en politique sociale de vieux libertins incorrigibles ; ils savent à merveille que la Civilisation est un cercle vicieux qui sous tous les régimes reproduit les mêmes abus diversement modifiés ; ils sont ridicules de s’obstiner, dans cette société condamnée par l’expérience, à ne pas en chercher d’autre.

Enfin les anciens n’avaient ni les immenses secours que donnent aujourd’hui les progrès des sciences fixes et de l’industrie nautique et manufacturière, ni celui de la suppression de l’esclavage qui est un empêchement dirimant à tout progrès.

Et pourtant les anciens étaient bien plus judicieux que nous avec moins de moyens ; mais au lieu de notre fatras de bel esprit et d’idéologie, ils possédaient un grand fonds de bon esprit, une finesse de tact, un instinct du beau, une judiciaire naturelle, dont on voit les preuves irrécusables dans leurs méthodes et monuments en poésie, éloquence, architecture, sculpture et autres branches où ils avaient atteint d’inspiration au vrai beau. La rectitude qu’on remarque dans leur goût se retrouvait dans leurs impulsions religieuses. Par exemple, ils avaient sur le régime de multiplicité divine une tolérance absolue que nous ne savons pas établir sous le régime d’unité divine, tolérance vraiment admirable qui s’était établie chez eux naturellement, sans intervention de la philosophie ni opposition du sacerdoce.

Les modernes, bien éloignés de ces heureuses impulsions, n’ont su que dépasser le but en fait de bon goût et de bon sens et sont devenus avec tout leur esprit des caricatures politiques, des histrions mercantiles, des fruits pourris avant d’être mûrs.

Quel nom donner à un siècle qui, muni des nombreux fanaux que je viens de citer, aidé de plus par la suppression de l’esclavage et le progrès des sciences fixes, ne sait pas faire un pas en avant dans l’étude des destinées, lâche pied au moment où la victoire se déclare pour lui et se jette dans l’athéisme, à l’instant où Dieu laisse évidemment pénétrer le plan et le ressort de son système sur le mouvement ? Un tel siècle a l’audace de se vanter de perfectibilité ! Moi, je le nomme siècle de barbouillage scientifique et de crapule académique. La postérité lui confir-