nos proches et amis qu’on martyrise aux portes de nos empires. Quelle comédie d’apitoyer les cœurs sur le martyre des trépassés quand nos frères périssent dans de longs supplices et implorent en vain l’hypocrite Europe toujours fardée de pitié dans les écrits des romanciers et sourde à la charité quand il faut l’exercer ?
Déjà l’on s’était indigné de l’abandon où l’Europe avait laissé les Serviens, nation chrétienne détruite sous nos yeux par les Turcs et empalée après la capitulation. On rejetait leur abandon sur l’influence de l’usurpateur de France ; mais après sa chute, qu’a-t-on fait ? On charge l’Angleterre de négocier quelques trêves, c’est-à-dire que l’Europe se met à la discrétion de l’Angleterre pour les choses qui concernent son honneur.
On a été étrangement surpris que le chef de la religion n’ait fait au congrès aucune démarche au moins d’étiquette pour une cause aussi sacrée. Ce qui a dû surprendre encore davantage, c’est la simagrée philanthropique jouée au sujet de la traite des Nègres qui aujourd’hui est exercée ouvertement par les mêmes Espagnols, signataires de la suppression de la traite dans le congrès de Vienne.
Mais si vraiment la philanthropie eût animé les membres du Congrès, comment se fait-il que les blancs ne leur aient pas paru aussi dignes de commisération que les Nègres, et qu’en affectant de s’intéresser aux uns, ils n’aient pris aucune mesure efficace pour sauver ni les blancs ni les noirs.
Un immense continent réclamait leur générosité. Les habitants de l’Amérique avaient plus d’un droit à la sollicitude du Congrès. Ils avaient pris les armes pour une cause sacrée aux yeux du Congrès, pour la résistance aux empiètements de Napoléon. Leur liberté devait être prononcée pour les convenances et besoins de l’Europe qui demande leurs denrées et le commerce direct de ces régions. La prescription d’indemnité coloniale était plus qu’expirée après deux ou trois siècles de possession, et d’ailleurs le souvenir des cruautés de l’Espagne lors de la conquête était un titre de plus pour l’obliger à émanciper enfin cet immense continent, dont elle a suffisamment pressuré les trésors et anéanti les indigènes. Dédaignant ces considérations, l’assemblée européenne a livré à la hache des moines ces peuples qui avaient pris les armes pour elle. Et à qui l’Europe sacrifia-t-elle ainsi ses alliés ? À ceux qui se jouent de la justice en rétablissant publiquement la traite des Nègres abolie par le Congrès.
Voilà un dénouement édifiant d’une ligue de qui l’on eût pu attendre, dans ses succès, quelques sentiments de charité. Après ces mœurs, les chrétiens n’ont plus rien à reprocher aux athées. Ceux-ci ont du moins un masque d’intention louable et peuvent dire qu’il est moins