Page:Fourier - Sur l'esprit irréligieux des modernes et dernières analogies 1850.djvu/54

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d’entendre les plus dures vérités. Aussi le baudet, emblème du paysan, a-t-il des oreilles copieuses pour recevoir cette grêle de vérités, mais ses longues oreilles sont chancelantes ; elles semblent battues par l’orage, criblées de fatigue, tandis que celles du lièvre et du lapin, beaucoup plus longues en proportion du corps ont une pose élevée et gracieuse. Quelle est la cause de cette différence ? La-dessus, il faudrait entamer un long [xxxxxxxxxx] sur les analogies d’oreilles, et nous y trouverions plus d’un tableau fâcheux pour des oreilles de haute prétention qui se croient intelligentes et qui ne le sont guères.

Les savants s’accordent à soupçonner l’existence de l’analogie ; quelques-uns prétendent que l’homme est miroir de l’univers ou en d’autres termes que l’univers est fait sur le modèle de l’âme humaine. Cette présomption est fort juste. Il est certain que chaque animal, végétal et minéral, est emblème de quelque effet de nos passions, que la rose est emblème de la virginité, comme la vipère est emblème de la calomnie, (que le lion est emblème du monarque barbare et l’aigle du monarque civilisé.)

L’instinct nous a fait pénétrer quelques analogies ; mais on n’a pas songé à les étudier en système général. Ceux qui savent expliquer les emblèmes fournis par la rose et la vipère devraient nous expliquer ceux de l’œillet et du crapaud, ceux du tigre et du vautour, ceux de cent mille créatures des trois règnes qui doivent être cent mille tableaux de nos passions, s’il est vrai que l’homme est miroir de l’univers. Un cèdre et une violette, un éléphant et une puce font partie de l’univers, et réfléchissent une idée du tout, selon Schelling. Il nous manque donc une science fixe pour parcourir ce labyrinthe qu’on appelle le grand livre de la nature.

En attendant, quelques barbouilleurs s’emparent de l’idée ; on voit de petits livrets contenant des tableaux d’analogies écrites au hasard, sans aucun principe, comme celle-ci : « la tulipe, orgueil, ingratitude. » C’est bien gauchement caractériser la belle fleur qui représente la justice.

C’est surtout au sujet de l’analogie qu’on reconnaît l’esprit du XIXe siècle, incapable de faire un pas hors de sa sphère, et n’osant pas même chercher les trésors dont tout lui annonce l’existence. L’instinct en nous dévoilant un petit nombre d’analogies provoquait à la recherche de la science entière, comme le ruisseau qui charrie des paillettes d’or annonce la proximité de la mine. Souvent une mine découverte conduit à de plus riches, ainsi qu’on l’a vu dans la chaîne d’Oural, où l’on a trouvé après les mines de cuivre celles d’or et de diamant. De même la théorie de l’analogie nous aurait conduit à des sciences plus précieuses et surtout à celle du vrai progrès en mécanisme social où