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CURIOSITÉS THÉATRALES

Courtille, et son nom est encore populaire aujourd’hui. La guinguette de ce joyeux compère, portant pour enseigne la trogne rubiconde du maître, à califourchon sur un tonneau, avait la vogue entre toutes les guinguettes des Percherons. A côté des bons drilles qui allaient danser et faire la ripaille au « Tambour-Royal ; » à côté des élégants qui s’y faufilaient pour jouir du spectacle, acteurs et auteurs du boulevard y venaient trinquer de concert. C’est là que Dorvigny composait ses Jocrisses ; que Taconnet et Constantin, acteurs de Nicolet (et deux originaux aussi, le premier surtout), buvaient leurs vingt bouteilles de compagnie, en faisant des études de types populaires pour leurs rôles. Il est probable que le fameux Volange, dit Janot, s’y rendit plus d’une fois lui-même. Cette compagnie quotidienne, les faciles succès qu’obtenait Ramponneau au milieu de ses habitués, avec sa bonne physionomie niaise et radieuse, sa belle humeur, ses saillies au gros sel, tout cela finit par lui donner l’ambition et l’espoir de rivaliser avec la gloire de Volange. Il alla donc un jour trouver Gaudon, qui dirigeait, au boulevard du Temple, un petit théâtre en concurrence avec les Variétés amusantes, où trônait celui-ci, et s’engagea, par un traité en règle (27 mars 1760), à jouer dans son spectacle. C’était la fortune pour Gaudon, qui accueillit la proposition avec transport.

La chose arrangée et quelque argent touché d’avance, Ramponneau, en attendant son début, va donner une représentation d’essai à Versailles. Mais il ne réussit qu’à se faire huer. Il revient l’oreille basse, et, la veille du grand jour, Gaudon reçoit une lettre par laquelle Ramponneau, pris de scrupules religieux, annonce que sa conscience ne lui permet pas de tenir sa promesse. On peut juger des hauts cris jetés par Gaudon, qui avait déjà fait tous ses préparatifs et qui s’attendait à un suc-