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LA BASTILLE EN 1789.

En outre, il serait excessif de croire que ce régime même fût absolument dépourvu de toute garantie, de toute formalité juridique. La lettre de cachet devait être signée par le roi, contresignée par le ministre, et passait entre les mains du lieutenant de police, de qui relevait la prison et qui était un magistrat. Il n’envoyait pas à la Bastille sans avoir fait une instruction régulière, mais toujours secrète. Les prisonniers du commun étaient arrêtés par des exempts ; les autres, officiers ou gentilshommes, s’y rendaient le plus souvent d’eux-mêmes, sur l’invitation reçue. On devait être interrogé dans les vingt-quatre heures, prescription qui était loin d’être régulièrement observée, et le commissaire du Châtelet qui avait fait subir l’interrogatoire, envoyait le procès-verbal, avec son avis, au lieutenant de police, qui décidait en conséquence s’il y avait lieu, ou non, de maintenir l’arrestation[1]. Certes, il y avait place encore pour arbitraire, mais beaucoup moins qu’on ne le croyait généralement.

Malesherbes n’était entré au ministère, en 1775, qu’à la condition, acceptée par le roi, de ne jamais signer de lettre de cachet. Il avait accordé la permission de lire et d’écrire à tous les détenus. Louis XVI avait de plus en plus restreint l’usage et adouci le régime de la Bastille, qu’il fut même question de démolir au début de son règne. En 1784, l’architecte

  1. Funck-Brentano, la Bastille d’après ses archives (Revue historique du 1er janvier 1890).