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Page:Fournier - La Fille de Molière - 1863.djvu/49

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a peine. Ah! quel malheureux jour! et dans une semaine Qui le rendit plus triste encor par sa gaieté. C'était en carnaval. Il s'était bien hâté, Pour terminer à temps sa grande comédie Du faux malade; hélas! pris par la maladie, Oui, tout brisé lui-même, et souffrant à mourir, Il avait ri d'Argant, qui croit toujours souffrir. Il put jouer trois fois, puis fut sans force; il ose Continuer pourtant, il joue : à la nuit close, Le vendredi, je crois entendre un bruit de voix Dans le Palais-Royal ; sous les arbres, je vois Des torches s'avancer : « Ce sont des masques! » dis-je; Mais bientôt j'ai vu mieux, j'ai peur, mon sang se fige, J'ai reconnu sa chaise et ses porteurs : « c'est lui, Qu'on rapporte mourant, peut-être mort! » Oh! oui, Je n'en puis plus douter, je cours... la triste escorte Était déjà rendue et frappait à la porte. J'ouvre, il me tend la main, et, pour me rassurer, Il tache de sourire en me voyant pleurer. On le monte. Il me dit : « Cherche un prêtre ! » Aux églises On ne répondit pas. Mais deux de ces sœurs grises, Qui viennent en carême à Paris pour quêter, Chez lui, dans ce temps-là, voulaient bien s'abriter; Car si parfois encore on l'accusait au prône, On ne refusait pas son gîte ou son aumône. « Entrez, avait-il dit, mes sœurs, vous serez bien. « Pour être du théâtre, on n'est pas un païen ; « Claire votre patronne est celle de ma femme. « Entrez, et si je meurs, vous prierez pour mon âme. » Ce fut trop vrai! Les sœurs, qui pleuraient comme nous, Mains jointes près du lit se mirent à genoux, Lui murmurant les mots où Dieu parle; Molière