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Page:Fournier - Le Théâtre français au XVIe et au XVIIe siècle, t. 2, Garnier.djvu/432

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L'un pense résister à mon premier effort :

Sur ce simple regard d'un plus vif je redouble,

Soudain le teint blêmit, voilà l'oeil qui se trouble.

Le bruit de ma beauté se répand en tous lieux,

Et l'on ne parle plus que des coups de mes yeux. [1490]

Mille amants sur ce bruit à des flammes si belles

Ainsi que papillons viennent brûler leurs ailes.

Je rencontre partout des visages blêmis ;

Des yeux qui font des voeux à leurs doux ennemis :

Je suis comme un miracle en tous endroits suivie, [1495]

Et même en ma faveur je fais parler l'envie.

Enfin tous les Amants qui vivent sous les cieux,

Se trouvent asservis au pouvoir de mes yeux.

Voilà donc notre gloire, ah ! Disons notre honte.

Tandis d'autres beautés on ne fait plus de compte. [1500]

On s'adresse à moi seule, et pas un seul mortel

Pour offrir son encens ne cherche un autre Autel.

Ainsi mes pauvres soeurs : ah ! De douleurs je crève.

La parole me manque.

ALCIDON
.


Hélas ! Ma fille, achève.

HESPÉRIE
.


Doncques mes pauvres soeurs se voyant sans Amant, [1505]

Qu'elles jettent sur tous leurs regards vainement,

Sont réduites enfin à ces malheurs extrêmes

Qu'elles vont rechercher les hommes elles-mêmes.

L'une faisant semblant de conférer de vers,

Court après un Poète ; et dans des lieux couverts, [1510]

Éloignés de mes yeux, tâche à gagner son âme.

L'autre se voit réduire à cette honte infâme

De suivre un Capitaine, à tout heure, en tous lieux

Aux yeux de tout le monde.

ALCIDON
.


Est-il possible ? Ô Dieux !

HESPÉRIE
.


En le nommant son coeur, et son cher Alexandre. [1515]

Mais jugez quel secours elles peuvent attendre.

C'est pour moi seulement que l'un fait tant de vers ;

Et l'autre pour moi seule a couru l'Univers,

A vaincu cent guerriers sur la terre et sur l'onde

Pour me faire avouer la plus belle du monde. [1520]

Voyez si j'ai sujet de répandre des pleurs,

D'accuser ma beauté, source de nos malheurs,

Qui cause au lieu de gloire une honte éternelle.

Ah ! Mon père, pourquoi me fîtes-vous si belle ?

ALCIDON
.