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un cachet. Quand tout, dans une production littéraire, trahit une originalité, quand tout crie que c’est Quelqu’un qui a fait ça et que ce n’est pas le cerveau du premier venu qui l’aurait pu fabriquer, alors l’auteur peut compléter de son nom cette signature-là, qui est la seule vraie. Car, en ce cas, il se rend le témoignage qu’un autre ne pourrait pas signer son œuvre. Phidias avait le droit de signer ses statues, parce que nul autre au monde que lui n’aurait pu le faire sans être démenti par cette signature première, essentielle et indélébile : l’exécution de l’œuvre.

Mais dans notre roman, il n’y a rien de propre à indiquer que ce soit nous plutôt qu’un autre qui sommes l’auteur. L’ouvrage est aussi impersonnel qu’un faits-divers de la Presse. N’importe qui pourrait l’écrire et tout le monde pourrait le signer. Nous n’avons donc pas le droit d’y ajouter notre nom.

⁂ D’aucuns nous prêcheraient le sacrifice, nous vanteraient sans rire la gloire de celui qui se condamne à la faim plutôt que de prêter sa plume à des tâches qui répugnent.

D’abord, s’il est vrai — ce dont nous ne sommes pas sûr du tout — que sous cette « porte basse de la faim », dont nous avons parlé,

Le plus grand est celui qui se courbe le plus,


nous avouerons que voilà un genre de grandeur