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LA LANGUE FRANÇAISE AU CANADA

encore et pour revenir au point précis qui nous occupe, je dis qu’étant faits comme nous sommes, pensant comme nous pensons, parlant comme nous parlons, il est non-seulement naturel, mais encore et en quelque sorte fatal, que nous lisions ce que nous lisons, hélas ! et ne puissions lire autre chose.

Ainsi retrouvons-nous invariablement, à l’origine des différentes circonstances par quoi vous pensez rendre compte de la corruption de notre langage, le grand fait capital qui les domine toutes et dont toutes elles dérivent, — je veux dire cette incompréhensible déformation de l’esprit français en nous, cette déformation et cet affaissement général en nous de tous les caractères essentiels de la race… Comment n’avez-vous pas vu cela, et que là véritablement est le mal, le mal dont vos prétendues causes ne sont au fond que les effets, quelque aggravation d’ailleurs qu’à leur tour, et par une manière de cercle vicieux, elles lui puissent apporter et lui apportent effectivement ? Comment avez-vous pu ne pas apercevoir, tout au moins, le lien par quoi se rattachent à ce fait primordial ces faits secondaires, et le caractère particulier de nocivité qu’ils en tirent ? Comment enfin, dans tout le cours de votre travail, cette donnée fondamentale a-t-elle pu vous échapper, hors de laquelle toute votre interprétation du problème demeure