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XI

Le « gouverneur » (suite).

Pendant seize jours entiers — du douze au vingt-huit juin mil neuf cent neuf — cet aimable homme ne cessa pas un instant, j’ose le dire ici, de s’intéresser à moi.

J’ai conté plus haut comment il m’avait reçu lui-même des mains de la police, au moment que je frappais à la grande porte d’entrée. Quelques heures après, on me conduisait derrière des barreaux de cellule : c’était M. Morin qui les avait choisis. Chaque soir, il en venait vérifier de ses yeux la solidité. — Ah je ne lui échapperais point !… — Une fois, deux fois, au cours de ma détention, les honorables juges de la cour d’appel me firent l’honneur de réclamer ma présence au palais de justice. M. Morin en personne se chargea de m’y accompagner. Je le vois encore à ma droite dans la voiture, le front soucieux, l’œil méfiant et sévère, cependant qu’en face de nous, sur la banquette d’avant, le garde X… me considérait d’un air farouche, la main sur un revolver de fort calibre. — Au sortir d’une de ces audiences, il prit un jour à des journalistes, en présence de M. Morin, la fantaisie de lui photographier malgré lui son prisonnier. Croiriez-vous bien qu’il voulut les obliger à briser leurs plaques ? Pour ce fonctionnaire scrupuleux, mon image même était prisonnière.


Plus que cela : — non content de protéger mon corps contre toute atteinte, il veillait encore avec