LE COUCHER D’UN ENFANT. 109
Mets sous l'enfant perdu, que sa mère abandonne,
Un petit oreiller qui le fera dormir !
LE COUCHER D’UN ENFANT
«Couchez-vous, petit Paul ! Il pleut ; c’est nuit ; c’est l’heure.
Les loups sont au rempart, le chien vient d’aboyer ;
La cloche a dit : Dormez ! et l’ange gardien pleure,
Quand les enfants si tard font du bruit au foyer. »
— « Je ne veux pas toujours aller dormir ! et j’aime
A faire étinceler mon sabre au feu du soir ;
Et je tuerai les loups ; je les tuerai moi-même. »
Et le petit méchant, tout nu, vint se rasseoir.
— «Où sommes-nous ? mon Dieu ! Donnez-nous patience,
Et surtout soyez Dieu, soyez lent à punir,
L’àme qui vient d’éclore a si peu de science !
Attendez sa raison, mon Dieu ! dans l’avenir.
« L’oiseau qui brise l’œuf est moins près de la terre,
Il vous obéit mieux ; au coucher du soleil,
Un par un descendus dans l’arbre solitaire,
Sous le rideau qui tremble ils plongent leur sommeil.
« Au colombier fermé nul pigeon ne roucoule ;
Sous le cygne endormi l’eau du lac bleu s’écoule ;
Paul ! trois fois la couveuse a compté ses enfants ;
Son aile les protège, et moi, je vous défends !
« La lune qui s’enfuit toute pâle et fâchée
Dit : Quel est cet enfant qui ne dort pas encor !
Dans son lit de nuage elle est déjà couchée,
Au fond d’un cercle noir la voilà qui s’endort.