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Avec des cris répétés de « on y va », les garçons, toujours avides de dévouement de ce genre, se ruèrent vers la porte, comme s’il se fût agi d’une attaque à la baïonnette. En un clin-l’œil, il ne resta plus dans la cuisine qu’une demi-douzaine d’anciens, groupés autour du père Braise qui discutait avec eux engrais chimique et arrosage. Dans la grand’chambre où les jeunes gens pénétrèrent, ils furent accueillis par des voix aussi pointues que joyeuses. Il s’y trouva, comme par enchantement, une place libre auprès de chacune des jeunes filles ; et avec la même promptitude, ces places furent occupées, à la grande satisfaction de tous et de toutes. Une conversation en chasse-croisée qui s’établit aussitôt, ne tarda pas à remplir le local d’une rumeur plus que sonore.

Céline qui, sans trop savoir comment, se trouvait assise près de Cyprien, à côté de la table, y prit l’album de famille et fit brûler sa lumière pour son compagnon, ce qui veut dire dans le langage ordinaire : lui donna des explications auxquelles celui-ci semblait prendre un intérêt des plus vifs. Lorsque l’album fut fermé, les explications continuèrent, mais il était à présumer que les vieilles photographies n’y étaient plus pour rien.

Ne dirait-on pas, en effet, que ces vélins pâlis ont le secret des transitions subtiles qui conduisent un entretien, parfois banal au début, jusque sur les frontières de l’intimité ? Il en fut ainsi, au moins ce soir-là, car sur leur passage (l’album passait de mains en mains) le ton bruyant de la conversation éprouva un apai-