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LES CHOSES QUI S’EN VONT

de ces anciens moulins, vous ne vous y reconnaîtriez plus. Dans l’air moisi et comme peureux, au-dessus de trappes qui baillent toujours, pendent des courroies mortes sur des roues inactives. Si vous rencontrez le meunier, vous aurez peine à le reconnaître. Il n’est plus habillé de blanc selon l’antique tradition, car n’ayant plus à surveiller la trémie ni la boîte à moulée, vous ne verrez plus un seul atome de manivole sur ses épaules, ni sur son chapeau, ni sur ses sourcils. S’il vous prend fantaisie de lui parler, vous n’aurez pas besoin de vous égosiller comme autrefois ; le bruit trépidant des moulanges tournantes, et le roulement de tonnerre de la grand’roue poussée par les masses d’eau, se sont tus. Le meunier lui-même paraîtra étranger chez lui. Mais comme il a voulu quand même garder son moulin, il s’est vu obligé d’y introduire de nouvelles industries qui, se développant sur le même théâtre que l’ancienne, lui donnent l’illusion d’être encore le meunier d’autrefois. Les moulins ont fait leur temps !