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LES CHOSES QUI S’EN VONT

fées, dont la jeunesse et les talents s’épanouissaient en vie active et heureuse. Je pense toujours à l’héritier qui continue, sinon la tradition du métier, du moins celle de haute probité, qu’entre autres trésors, lui ont léguée les vieux qui ne sont plus.

Encore aujourd’hui, quand je ferme les yeux, le beau moulin m’apparaît, comme en été, derrière son rideau de feuillages ; comme en automne, lorsque m’y rendant en commission par les écarts du ruisseau, j’en revenais avec le sourire de la meunière dans les yeux, et les mains pleines de pommes d’amour, données par le meunier ; il m’apparaît comme en hiver, tel un joli pastel encadré dans la vitre de la fenêtre. Et ce soir, je crois le revoir encore comme un de ces soirs-là, derrière le voile de poudrerie, avec ses deux petites lumières qui, jadis, ont veillé si longtemps sur moi, dans la nuit.

Et voilà que, malgré que je ne sois pas peintre et qu’il ne tombe pas en ruines, le beau moulin, je m’aperçois que je l’ai peint…