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LES CHOSES QUI S’EN VONT

Le fourneau devant lequel se trémousse le père Colas est ménagé dans la pente du terrain et se conserve intact d’année en année. Le chauffeur n’eut, ce matin, qu’à enlever les feuilles mortes tassées dans les angles, en alignant les pierres qui limitent le foyer. Avec une poignée de ripes et un petit brin d’écopeaux, puis des éclats de bois de four et des rondins secs, dans le temps de le dire le feu a été pris. Et ce n’est pas un petit feu comme celui qu’on allume sous la chaudronne lorsqu’on coule la lessive et qu’on lave au battoir — encore des choses qui s’en vont… — il a au moins deux brasses de long. Pendant que notre homme a le dos tourné, je vais vous dire pourquoi ce feu-là. Chez Charlie, où nous sommes, il se fait, à matin, comme manière de courvée pour brayer ; les voisins arriveront tantôt, avec leur lin, qui sera brayé en commun ; comprenez-vous ?

Le père Colas, debout devant le feu, s’essuie les yeux avant la manche de sa frocque — rapport à la boucane — et je l’entends mâchouiller : « Bondance !