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LES CHOSES QUI S’EN VONT

flottantes ! Il semblait alors défier les rafales qui poussaient le long des clôtures ou dans les coulées, pour l’amasser en bancs, toute la neige de la dernière bordée. Il était d’une joliesse si captivante, qu’il n’en fallait pas plus pour calmer les cris du petit dernier qui faisait ses dents : la grosse bébelle consolait de tous les chagrins, guérissait de tous les maux.

Maintenant, les enfants peuvent faire leurs dents tout seuls et crier comme on sait. La memère sera peut-être encore là pour les dodicher et les consoler, mais elle n’aura plus la grosse bébelle à leur montrer. Le beau vir-vir est parti… chassé par l’impitoyable progrès.

Avant de disparaître toutefois de nos horizons et de fuir devant ce maître d’hier, les moulins ont protesté ; comme jadis devant Don Quichotte, ils ont résisté ; que dis-je, ils se sont abaissés jusqu’à faire des concessions. Oui, des concessions : voyez plutôt. Ils ont consenti d’abord — et qui dira avec quelle peine — à se laisser couper les ailes.