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UN MURILLO

— Maintenant, ajouta-t-elle, n’allez pas dire à Mlle Suzanne que j’ai trahi son secret ; elle ne me gronderait pas, elle est trop bonne ; mais cela lui ferait de la peine, n’est-ce pas, madame ?

La mère de Maurice pleurait en silence, pendant que lui-même, en proie à quelque singulière préoccupation, réfléchissait profondément en arpentant la pièce de long en large.

— Comment était ce tableau ? demanda-t-il.

— Oh ! une vieillerie, répondit sa mère ; mais l’enfant y tenait. C’était un trésor pour elle : tout ce qui lui restait de sa famille — une ancienne famille des environs de Québec. La dernière bribe de leur fortune d’autrefois, que sa grand’mère lui avait laissée en lui disant qu’elle lui porterait bonheur… Et dire que la chère petite s’en est séparée pour moi !…

Maurice réfléchissait toujours.

— Était-il grand ce tableau ?

— À peu près trois pieds sur deux, répondit la petite bonne.

— Un Enfant-Jésus ?

— Oui, couché sur un oreiller de soie, avec de beaux petits cheveux dorés.

Maurice devenait hagard.

— Le fond noir ? demanda-t-il d’une voix mal assurée.

— Très noir, monsieur !

Depuis quelques instants, l’on entendait par intervalles des tintements de grelots et de clochettes se mêler, au dehors, aux grincements des traîneaux sur la neige durcie.