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UN MURILLO

Suzanne était revenue prendre sa place à table, à côté de son cousin tout ému lui-même, et baissait la tête en rougissant un peu sous le regard profondément attendri dont le fils de Mme Flavigny l’enveloppait des pieds à la tête.

Un courant d’effluves mystérieux flottait dans l’air.

En une minute, deux cœurs venaient de s’échanger, dans ce pacte inconscient, mais sacré que l’ange des amours saintes va ratifier devant Dieu, un sourire sur les lèvres.

Maurice voulut reprendre la parole.

— Mes amis, dit-il, vous venez de boire à la santé de ma mère et à la mienne…

Il fut interrompu de nouveau.

— Attendez, j’en suis ! s’écria la voix joyeuse d’un nouvel arrivant.

Une exclamation générale de surprise répondit :

— Monsieur le curé !

Et tout le monde se leva respectueusement devant le pasteur aimé et vénéré de la paroisse.

— Oui, fit celui-ci, qui tenait sous son bras un objet d’assez grandes dimensions ; oui, madame Flavigny, oui, mademoiselle Suzanne, c’est moi qui viens vous demander la permission de me mêler un instant à votre joie.

— Bravo ! bravo ! monsieur le curé ! venez vous mettre à table avec nous.

— Certainement, mes enfants ; mais d’abord, permettez-moi d’apporter ma quote-part à la réjouissance générale.

Et le bon curé étala, aux yeux de tous, l’objet qu’il