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Page:Fréchette - Contes canadiens, 1919.djvu/58

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PIERRICHE
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la vache, étranglée par le nœud coulant qui lui serrait l’encolure, se débattait dans l’eau heureusement peu profonde, et menaçait de se noyer.

Ma foi, lecteurs, je ne sais trop ce qui serait advenu de Pierriche et de sa vache, si, par bonheur, au moment même de cette effroyable catastrophe, Madelon et ses enfants ne se fussent plus trouvés qu’à quelques arpents de la maison.

Elle avançait à grand pas, cette chère Madelon ; elle avait le pressentiment d’un désastre quelconque, et ses pressentiments furent confirmés quand elle aperçut son jars qui boitait et sa vache à l’eau.

« Ho ! Pierrot ! vite, mon vieux ! Jette-toi à l’eau et cours haler la vache, cria Madelon en coupant la corde d’un coup de faux, ce qui permit à Pierriche de retomber d’aplomb sur ses pieds, et Madelon frémissante, inquiète, ouvrant au large la porte de sa demeure, tomba face à face de Pierriche encore étourdi de sa chute et de sa suspension forcée, et restant immobile, hébété, la bouche béante devant sa femme qui le regardait avec étonnement, tandis que les enfants surpris regardaient tour à tour leurs parents et que le petit Benjamin, — comme s’il eût conscience de la scène solennelle qui allait se passer, — observait dans son berceau un silence profond digne des plus grands éloges.

Enfin Pierriche, revenu à lui et ne pouvant plus contenir les larmes qui l’étouffaient, se jeta en pleurant dans les bras de Madelon.

« Madelinette, ma chère Madelinette, lui cria-t-il à travers ses pleurs, je suis un brigand, un scélérat, un sans-cœur !