Page:Fréchette - Contes canadiens, 1919.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
MONTFERRAND
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

c’était avoir une réputation qui s’étendait par tout le Canada. Les habitués de ces tavernes passaient alternativement de la buvette à la salle de boxe, car l’établissement n’eut pas été complet en ce temps-là sans le noble exercice que les Anglais nomment the manly art. Plus d’une partie commencée avec les gants rembourrés se terminait, quelques jours après, en présence de la foule convoquée par la rumeur publique, et il y avait une rencontre sérieuse à coups de poing.

Les sportmen et les gentlemen les plus huppés de la ville ; les officiers des troupes ; les dames même, patronnaient ces joutes, ces tournois, ces exhibitions de la force physique. Les rencontres se faisaient suivant les règles. On n’y voyait rien de répugnant. Plus d’une taloche savante a été, dans ce temps, l’objet de commentaires passionnés et l’auteur du coup s’est attiré les louanges et les félicitations de milliers de spectateurs enthousiastes.

* * *

La légende qui s’est formée sur notre athlète est fausse en plusieurs endroits. On dit qu’il ignorait l’art de la boxe. Il la connaissait aussi bien que les plus adroits jouteurs. Élevé dans le faubourg Saint-Laurent, à deux pas du Fort Tuyau, du Coin Flambant et de dix salles de gymnase, il les fréquentait habituellement, mais évitait les querelles si communes dans ces réunions. Son éloignement pour les boissons fortes le laissait maître de lui-même et lorsque les têtes s’é-