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MONTFERRAND

avec soin, la tête haute, la figure riante, droit, imposant comme le juge Monk, ayant un mot pour tout le monde — enfin jouissant de la vie. À pied, il dépassait la foule et sa belle figure rayonnait sous les regards qui le suivaient. Sa première visite était pour les bouchers qui l’acclamaient et badinaient avec lui. Ensuite il parcourait les rangs des voitures des cultivateurs, agaçant les femmes, goguenardant les hommes, et salué sur toute la ligne par de joyeux bonjours. Il allait souvent en voiture. Ses chevaux étaient superbes.

Quand il redressait sa taille et qu’il s’animait en parlant, c’était encore le beau garçon de 1830, sans forfanterie, sans ostentation, tout de cœur et de généreux mouvements. Oh, disait-il parfois, plus je réfléchis plus je m’aperçois que j’ai été un grand misérable ; je m’en repens ; puisse Dieu me pardonner les misères d’une vie que j’ai trouvée si longtemps inutile et souvent nuisible ! » Il semble qu’il regrettait d’être né à une époque de trouble et qu’il la comparaît avec notre temps où les lois sont obéies et respectées. Son humilité le faisait s’accuser de fautes que l’histoire ne lui reprochera pas assurément. Il déplorait en quelque sorte d’avoir acquis une renommée issue de la violence et de la force brutale.

Benjamin Sulte.