Page:Fréchette - Félix Poutré - 1871.djvu/13

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Cardinal Eh bien, cours à Napierville, et dis-lui que Camel s'est échappé de prison ; qu'il doit être en ce moment dans les environs, et qu'il faut s'emparer de sa personne à tout prix. Va, tu seras récompensé.

Toinon Ça y est. (Il sort à gauche en chantant :) « Quand le feu fut dans les sapins, ça flambait ben, ça flambait ben. »

(Cardinal et Duquette le suivent.)



Scène II

Poutré père, Camel

Le décor s'ouvre et représente l'intérieur de la demeure de Poutré. Camel est assis.

Camel Je vous dis qu'il y était, moi ; et que cette maudite canaille a eu l'audace d'attaquer Odeltown où les volontaires étaient retranchés ; qu'ils se sont battus deux jours de suite comme des enragés brigands qu'ils sont. Mais heureusement qu'ils n'avaient pour armes que quelques mauvais fusils et les troupes du gouvernement n'ont pas eu de peine à repousser leurs attaques.

Poutré Pauvres enfants !

Camel Oui, pauvres enfants, des rebelles qui, s'ils tombent maintenant sous la patte du gouvernement, recevront certainement ce qu'ils méritent. Entendez-vous, père Poutré, et votre Félix pourrait bien, avant longtemps, essayer une cravate plus dure qu'une cravate de marié !

Poutré Mais qui donc t'a dit, Camel, que Félix faisait partie des révoltés ? Il est parti depuis huit jours pour Lacolle où il règle quelques-unes de mes affaires.

Camel Allons donc ! allons donc ! on sait ce qu'on sait. Et si je vous disais, moi, que depuis un mois, il parcourt les campagnes pour assermenter les rebelles et lever des fonds pour acheter des armes aux États-Unis ; qu'il a ainsi réuni plus de trois mille vauriens, organisé des comités, tenu des conciliabules, et soulevé partout cette canaille qui est heureusement dispersée maintenant !

Poutré (à part) Le traître sait tout ! (haut) C'est impossible ce que tu me dis là, Camel. Mon fils ne s'est jamais mêlé des troubles du pays. Mais, toi, tu fais un bien vil métier en décriant ainsi tes compatriotes, et en essayant de faire planer de tels soupçons sur la conduite de tes frères.

Camel Ta, ta, ta, ta ! Tenez, le père, si j'écoutais mon devoir, je devrais les dénoncer plutôt, et le gouvernement m'en saurait gré... (On entend chanter au loin : « En avant ! marchons, etc. ») Tenez, les voilà qui s'approchent ! (On entend des coups de fusil.)