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Page:Fréchette - La Voix d’un exilé - 1868.djvu/11

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Vous me charmiez jadis : cette époque est passée ;
Vos douceurs ne vont plus à mon âme froissée ;
Mon vieux luth s’est brisé sous mon doigt trop hardi ;
Le clairon du devoir a sonné dans mon rêve…
Le faible enfant n’est plus ; c’est l’homme qui se lève :
L’humble troubadour a grandi !

Ma lyre, à l’œuvre donc ! laisse bondir ta rage ;
Hurle comme les vents, gronde comme l’orage ;
Tonne comme la foudre au jour du Jugement !
Les beaux jours ne sont plus où tu disais : « Je t’aime ! »
Ton refrain d’aujourd’hui c’est un cri d’anathème,
Car tu t’appelles Châtiment !

Traîtres, c’est encor moi ! faible, seul et sans glaive…
Mais, sombre avant-coureur du grand jour qui se lève,
Je viens pour commencer l’œuvre du lendemain !
Vengeur, j’ai sous mes yeux un immortel exemple :
J’ai vu l’Homme de Paix sur les dalles du Temple,
Terrible et le fouet à la main.

À moi ce fouet sacré, ce fouet de la vengeance !
Arrière, scélérats ! arrière, ignoble engeance !
Brigands de bas étage et fourbes de haut rang !
Point de grâce pour vous ; fuiriez-vous jusqu’au pôle,
Je vous appliquerai le fer rouge à l’épaule,
Et je vous mordrai jusqu’au sang !

Le soleil s’engouffrant comme un vaisseau qui sombre,
Avait depuis longtemps cédé sa place à l’ombre,
Et caché dans les flots son disque ensanglanté ;
La nuit avait repris son ténébreux empire,
La nuit… car c’est la nuit que l’assassin conspire :
Le crime aime l’obscurité :