la première moisson de la terre vierge, à l’éclosion de Montréal, puis aux luttes longues, incessantes, acharnées, entre l’Anglais et les colons de France, à cette guerre tenace et superbe où nos soldats abandonnés disputent aux régiments de la Grande-Bretagne ce pays découvert par les matelots malouins, et où la France avait planté son épée à côté de la croix.
Quelle guerre ! Et comme la France d’alors l’ignore ! D’Argenson nous a tracé le tableau cruel de cette cour où la Pompadour pérore et pécore, tandis que le roi dit — avec Voltaire, hélas ! — qu’on n’a guère à se soucier de quelques arpents de neige. On meurt cependant, là-bas, sur cette neige rougie. On y tombe bravement, élégamment, à la française. Nos soldats y vont au rempart en sortant d’un bal, et si les officiers portent des manchettes, c’est pour mieux étancher le sang de leurs blessures.
Tout dans cette lutte est épique. Les deux chefs d’armée expirent le même jour, sur le même champ de bataille, et tandis que les Anglais s’empressent autour du général Wolfe mortellement frappé, Montcalm rentre à Québec, pâle et déjà mourant sur son cheval ; et les femmes, en le voyant passer, livide, ensanglanté, disent en se signant : « Grand Dieu ! le Marquis est mort !… » le marquis qu’on enterrera bientôt dans le trou creusé par une bombe anglaise. Chose plus inconnue : au siège de Québec, l’épée de La Pérouse a pu rencontrer celle du capitaine Cook. Ces deux artisans de civilisation se combattirent, et la destinée les rapprocha dans le péril comme elle devait les faire se ressembler dans la mort.
On connaît la fin de l’aventure : le Canada perdu, le duc de Lévis arrachant une fois encore, dans les plaines d’Abraham, la