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Alors, défiant tout, naufrage et trahisons,
Drapeaux au vent, la Grande et la Petite-Hermine,
Avec l’Émerillon, qui dans leurs eaux chemine,
Le Breton, qu’on distingue à son torse puissant,
Jalobert, le hardi caboteur d’Ouessant,
Qu’on reconnaît de loin à sa taille hautaine,
Tous, au commandement du vaillant capitaine,
Entrent dans l’entonnoir du grand fleuve inconnu.

Morne aspect ! De forêts un réseau continu
Se déploie aussi loin que le regard s’élance.
Nul bruit ne vient troubler le lugubre silence
Qui, comme un dieu jaloux, pèse de tout son poids
Sur cette immensité farouche des grands bois.

À gauche, des sommets perdus dans les nuées ;
À droite, des hauteurs qu’on dirait remuées
Par quelque cataclysme antédiluvien ;
En face, l’eau du fleuve énorme qui s’en vient
Rejaillir sur la proue en gerbes écumantes ;
Des îlots dénudés par l’aile des tourmentes ;