Page:Frédéric II de Prusse - Poésies, tome 2.djvu/383

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Mais loin d’agir, d’avancer par l’attaque,
Pour s’éloigner manœuvroit le polaque :
Ses eſcadrons, ſes rangs ſont éclaircis.
De ce moment profita le coſaque,
Il les chargea, ſe ſauvant tout tranſis :
Dieu : qu’i ſe vit de balafrés, d’occis !
De nos François, qui ne vouloient les ſuivre…
Tout les derniers par les Ruſſes ſont pris.
Au déſeſpoir ils ne pourront ſurvivre ;
Leur ſort ſera celui des priſonniers ;
Ils vont aller peupler la Sibérie ;
Onques n’y fut eſprit, galanterie.
Là, de leurs pleurs arroſant leurs lauriers,
On les fera chaſſeurs de zibéline ;
Pour vous fourrer, boyards de Catherine.
Et cependant monſieur du Vieumenil,
A fort grand peine échappé du péril,
S’étoit ſauvé devers le mont Crapate,
Donnant au diable & Ruſſien & Sarmate.
Pour Zaremba, le pillard Pulawsky,
Sont comme un aſtre en ce jour obſcurci :
Pour s’étourdir ſur la bagarre étrange,
Ils vont noyer leur douleur dans le vin.
Ô ! cœurs pêtris & de boue & de fange,
Quoi ! tant de honte & ce fichu deſtin,
Seront de vous oubliés dès demain ?…

Juſte en ce temps, de la Lithuanie
(De ce duché par Suwarow conquis,
Où l’on a vu des guerriers étourdis
Battans, battus, chargés d’ignominie),
Revient ſans bruit l’orgueilleux Oginskys ;
Non pas de l’air dont on donne un défi,
Mais rêveur, triſte & l'âme encor chagrine.