Page:Fraigneau - Rouen Bizarre.djvu/226

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tits commerçans devenaient joyeux en le voyant ; combien de fois a-t-il payé d’un simple hiatus énorme de ses mâchoires le verre qu’on lui avait servi ? Les sergens de ville le respectaient ; tout ne lui était-il pas un peu permis dans cette ville dont il était le « fou » attitré ?

Mais fou comme un Chicot ou comme un Triboulet ; car sous cette carcasse épaisse, sous cette masse de chair informe, il y avait une étrange intelligence et une âme de vrai musicien.

Quand un imbécile se moquait de lui, quand une plaisanterie dépassait les bornes, quand la familiarité devenait obsédante, Goffard se redressait, se drapait dans sa dignité couverte de loques, et, tout en dodelinant de la tête, il avait des réparties mordantes, des ironies acérées sous leur forme prudhommesque, des mots de grand seigneur blessé.

La seule chose qu’il aimât réellement au monde était son violon, à la fois sa consolation et son gagne-pain. Il ressentait pour lui l’amour d’un père pour son enfant. Quand il pleuvait, il enlevait son veston pour en recouvrir son instrument.

Que lui faisait à lui l’averse ? C’était une « bonne blague » qui lavait, et voilà tout.

Cependant, à intervalles irréguliers, assez