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paux, les produits culinaires du fourneau économique lui suffisent amplement. Il regretterait de mettre dans l’achat d’une nourriture plus recherchée les quelques sous avec lesquels il peut avoir du liquide. En été, les champs de pommes de terre ou de choux, les arbres fruitiers et principalement les pommiers deviennent sa Providence.

Quand il a trop faim, il boit. Et qu’on ne croie pas à une exagération de notre part, pour lui l’alcool est un baume universel ; c’est la panacée à laquelle aucun mal ne résiste. S’il est blessé, il se frictionne à l’alcool ; s’il a la fièvre, il prend de l’alcool comme tisane ; s’il a du chagrin, il se console avec de l’alcool ; s’il éprouve du bonheur, il l’arrose immédiatement avec de l’alcool. On voit quelquefois de ces ivrognes faire de l’eau-de-vie une boisson de table, ainsi que le rapporte, dans une étude très-intéressante sur l’alcoolisme dans la Seine-Inférieure, un spécialiste distingué de Rouen, le docteur Tourdot :

« Un de ces individus, qui portait le surnom mérité d’Hercule, buvait à chaque repas un ou deux grands verres d’eau-de-vie. Cet homme, d’une constitution remarquablement vigoureuse, tomba, vers 48 ans, dans un état de décrépitude effrayant. Il pouvait à peine marcher et se tenir debout ; il ne