Page:François Hüe - Souvenirs du Baron Hüe publiés par le baron de Maricourt, 1903.djvu/160

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Trente-six heures s’écoulèrent sans que personne entrait dans mon cachot, sans que j’eusse ni nourriture ni l’espérance d’en recevoir : je ne pouvais douter que le concierge et sa femme n’eussent pris la fuite. « Le guichetier, disais-je, aura fui comme eux. » Cette réflexion abattit le reste de mon courage ; une sueur froide, un tremblement universel et les angoisses de la mort me saisirent : je tombai en défaillance. Revenu à moi, j’étais près d’appeler les assassins qu’à la clarté des réverbères je voyais aller et venir dans la cour, j’allais leur demander de mettre fin à ma longue agonie, quand mes yeux découvrirent une faible lueur partant du plancher. À l’aide d’une mauvaise table et de deux bancs que je plaçai l’un sur l’autre, je parvins à m’élever assez pour atteindre à l’endroit où j’entrevoyais cette lumière. J’y frappai plusieurs coups ; une trappe s’ouvrit. « Que voulez-vous ? me dit une voix douce. — Du pain ou la mort, » répondis-je avec l’accent du désespoir. La personne qui me parlait ainsi était la femme du concierge[1]. « Rassurez-vous, me dit-elle ; j’aurai soin de vous. » À l’instant, elle me donna du pain, de la viande et de

  1. La dame Viel.