Mais puis-je encor parler ?
LA VIERGE.
Pourquoi non, Geneviève
Parle, je le veux bien, ta peine sera brève.
Tu sauras que je suis (en tes maux allégés)
La consolation des pauvres affligés. 545 Je t'ai toujours ouï quand tu m'as réclamée,
Et je t'aimais devant que tu m'eusses aimée.
C'est moi, quand tu étais aux mains des assassins
Qui fis par leur remord, avorter leur dessein :
Moi qui dans la prison assistai à tes couches, 550 Moi qui te garantis des animaux farouches,
Qui prends soin de ton fils, et pour le secourir
Tu pourvois d'une Biche afin de le nourrir :
Qui mets ordre aux hivers que leur froid se relâche ;
Et si la nudité de ton enfant te fâche, 555 Pour l'habiller je fais qu'un loup court au troupeau,
Dépouille une brebis et t'en porte la peau :
Moi-même en ce désert que tu trouvais étrange,
Je t'envoyai la Croix que tu tiens, par un Ange
Qui apaisa l'horreur de ton bannissement, 560 Et te guérit depuis par son attouchement.
Sache enfin que c'est moi qui toujours attentive
Aux douloureux accents de ta bouche plaintive,
Te dis (pour adoucir ton sentiment amer
De perdre ta beauté) que je te veux aimer ; 565 Je t'aime et sans égard des traits de ton visage
Je te donne mon cour, que veux-tu davantage ?
Votre cour ?
LA VIERGE.
Oui, mon cour.
Madame, c'est assez
Je ne requiers plus rien, vous m'aimez par excès.
Ce cour si beau, si pur, si plein de belles flammes, 570 À Geneviève, hélas ! La dernière des