Page:François d’Aure-Geneviève ou L'innocence reconnue tragédie, 1670.djvu/44

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595 Tu n'as pas bien encor tous tes sens épurés,

Pour voir les ornements dont les miens sont parés ;

C'est au Ciel que je veux qu'en moi tu te consoles

Par ma félicité, mes dots, mes auréoles,

À me voir maintenant tu dois te contenter 600 En l'état où je suis, que tu peux supporter.

Mais Geneviève encor quiconque se dispose

À voir Dieu, doit prétendre à voir toute autre chose :

Car c'est en cette vue ou notre oil arrêté

Possède tout l'état de la félicité. 605 L'Énigme de la Foi se réduit en science,

L'Espérance périt et passe en jouissance ;

Et la Charité seule avec ses fermetés,

Pousse au-delà des temps dans les éternités,

En ce bien possédé les souffrances bornées 610 Par le temps prompt et court, sont sans fin couronnées.

C'est en ce bel état qu'il faut te rehausser,

Et c'est en lui, ma Fille, où je veux t'embrasser,

Pour y voir avec moi l'éternelle existence

Du Dieu trio en suppôts ; mais un seul en essence ; 615 Et dans ces trois suppôts sans cause et sans effet,

Les émanations de cet être parfait,

Sans premier, sans dernier, d'égalité divine,

Sans primauté de temps, primauté d'origine ;

Par le salut de l'Ange et l'aveu que je fis 620 Des trois ouvrant en moi, l'un fut homme et mon fils ;

Et la grâce du Ciel qui sans cesse m'arrouse, [ 7 ]

Me fit Fille de Dieu, sa Mère et son épouse,

L'entends-tu ?

GENEVIÈVE

Je le crois ; mais je ne l'entends pas.

LA VIERGE.

Je te l'ai raconté pour t'en donner l'appas : 625 Mais afin de l'entendre, et pour combler tes joies,

Ma chère Geneviève il faut que tu le voies.

Or ce comble de biens par mon Fils acheté,