Page:Franc-Nohain - Guide du bon sens (1932).djvu/46

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

De quoi s’agit-il ? Vers quoi sont tendus tous ces esprits frémissants et exaspérés ?

Il s’agit d’arriver une minute, une seconde, un quart de seconde plus tôt ; de s’élever seulement de cinquante mètres, de dix mètres, d’un mètre, plus haut : et le bon sens consisterait à ce que cette importance décisive fût accordée à un mètre ou à une seconde, comme si le bonheur des hommes en devait dépendre, et l’avenir de l’humanité ?

Le bon sens est le premier à reconnaître que deux et deux font quatre, et que quatre est supérieur à deux ; mais où a-t-on pris qu’il y avait à se targuer d’une supériorité de cet ordre et de cette nature ?

Quatre est supérieur à deux, même à trois ; et sans doute est-il normal que, pour un point, Martin ait perdu son âne ; ce que le bon sens trouve inadmissible, c’est qu’on risque son âne sur une différence d’un point.

Or les hommes, sur un point, risquent bien d’autres choses, y compris la chose publique. Martin perd son âne pour un point, et Marianne sa tranquillité, sa prospérité, son hégémonie.

Le sort d’une nation, d’un gouvernement, qui se joue exactement de la même façon que l’âne de Martin, est-ce raisonnable ?

Il est difficile de tenir la loi du nombre pour une loi de bon sens, et pourtant il est