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GUIDE DU BON SENS
II.— L’ENVIE

POLYDOXE. — S’il faut en croire, cher Eudoxe, la Sagesse des Nations qui apparemment vous est chère, mieux vaut faire envie que pitié ; n’est-ce pas encourager l’envie ?

EUDOXE. — Mieux vaut ne faire ni pitié, ni envie, cher Polydoxe. En tout cas, les envieux sont rarement pitoyables ; et c’est plutôt d’eux que l’on devrait avoir pitié.

POLYDOXE. — On envie ce que l’on n’a pas.

EUDOXE. — On n’envie pas ce que n’ont pas les autres. L’envieux ne s’aperçoit qu’il manque de quelque chose que s’il en voit les autres pourvus.

POLYDOXE. — L’envie est un aiguillon.

EUDOXE. — Où nous pousse-t-il ? N’est-il pas absurde de mesurer nos besoins sur la balance du voisin ?

POLYDOXE. — N’est-il pas juste que ce ne soit pas toujours le voisin qui nous nargue ?

EUDOXE. — Mais c’est vous qui vous persuadez qu’on veut vous narguer. Les gens s’occupent beaucoup moins les uns des autres que certains n’imaginent. Et celui-là qui passe en automobile n’emploie pas nécessairement ce moyen de locomotion pour narguer, comme