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GUIDE DU BON SENS
VI. — LA PARESSE

POLYDOXE. — Si la paresse est un péché, beaucoup se plaisent à la considérer comme un péché délicieux.

EUDOXE. — Il y a aussi des crimes que certains appellent de beaux crimes.

POLYDOXE. — La paresse n’est tout de même pas un crime, cher Eudoxe !

EUDOXE. — Ne dit-on pas de l’oisiveté qu’elle est la mère de tous les vices ? Être paresseux, cher Polydoxe, c’est se forcer à l’oisiveté, c’est demander aux vices d’accourir, leur tendre les bras, s’offrir à eux, les inviter chez soi.

POLYDOXE. — Les vrais paresseux ne voient pas si loin et n’en cherchent pas si long ; leur paresse se satisfait elle-même ; et il faut bien croire que la paresse a ses mérites et son charme puisque l’on entend couramment des gens se vanter d’être paresseux ou se plaindre de ne pouvoir l’être.

EUDOXE. — Il est vrai que ne rien faire paraît plus élégant et flatteur que travailler beaucoup ; et l’on sait, en effet, des gens qui fournissent un labeur considérable et feignent de passer le meilleur de leur temps à flâner. On