Page:Franc-Nohain - Les Mémoires de Footit et Chocolat, 1907.djvu/44

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priété, où il vivait avec sa mère, vieille dame très âgée mais encore fort alerte, qui, en l’absence de son fils, le plus souvent retenu à Bilbao ou parti en voyage, s’entendait le mieux du monde à gérer ses fermes, et eût rendu des points aux plus jeunes pour l’activité et l’autorité.

C’est pour elle que le señor Castanio, fils attentionné, avait songé à ramener Raphaël comme petit groom.

— On lui apprendra, ma mère, à mener la jument grise, pour vous conduire au marché…

— Croyez-vous, mon fils, que je n’aie plus d’assez bons yeux ou les poignets assez solides pour conduire la jument grise ?…

La vieille señora avait la manie, en effet, manie commune à beaucoup de vieilles et respectables dames, de voir en toutes choses, et dans les meilleures et dans les plus innocentes, de blessantes allusions à son grand âge…

Elle n’aurait, pour rien au monde, voulu montrer quelque satisfaction de l’agréable idée de son fils, et du présent qu’il lui venait faire de ce petit nègre.

Et cela, au reste, ne l’empêchait pas d’être enchantée, car Raphaël ne lui déplaisait pas, avec son allure décidée de petit homme qui n’a pas peur et sa grosse face épanouie ; et elle-même veilla à ce que, dans l’écurie où on l’installait, près de la jument grise, précisément, le petit eût une bonne paillasse, et suffisamment de couvertures.