Page:Franc-Nohain - Les Mémoires de Footit et Chocolat, 1907.djvu/60

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N’avions-nous pas raison de le proclamer, que Bertrand, dit Trompette, avait le génie des affaires ?…

Et le malheur fut que, peut-être, il poussait même ce génie parfois un peu loin.

Raphaël, en effet, l’honnête et consciencieux Raphaël, ne tarda pas à s’apercevoir que plus lui, Raphaël, rapportait d’argent, le soir, à la masse commune, moins Bertrand semblait avoir été favorisé ; ce sont les jours où l’on avait le plus travaillé, les jours où Raphaël, à la sueur de son front, avait atteint des chiffres fabuleux, inespérés et jusqu’à des cinquante sous — ces jours-là Bertrand avouait des gains insignifiants, dérisoires.

Et, comme l’argent de Bertrand devait être confondu avec celui de Raphaël, pour que le total en fût ensuite rigoureusement et également partagé, les résultats de l’association apparaissaient, comme on le voit, et de la façon la plus outrageusement manifeste — apparaissaient surtout avantageux pour Trompette.

Raphaël le constatait, mais sans acrimonie et sans dépit, estimant légitime, après tout, que Bertrand, qui en avait eu l’idée, fût le plus favorisé dans cette association qui, au début, l’avait tiré de peine.

Cependant, après des commencements assez heureux, l’entreprise ne prospérait guère ; il avait fallu compter avec la concurrence des commissionnaires plus anciens, patienter avec la rivalité hostile des portiers d’hôtel.