Page:France - Opinions sociales, vol 1, 1902.djvu/27

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jours de prison et 50 francs d’amende. Le Tribunal avait fondé sa conviction sur le témoignage de l’agent Matra.

Mené par les longs couloirs sombres du Palais, Crainquebille ressentit un immense besoin de sympathie. Il se tourna vers le garde de Paris qui le conduisait et l’appela trois fois :

— Cipal !… Cipal !… Hein ? Cipal !…

Et il soupira :

— Il y a seulement quinze jours, si on m’avait dit qu’il m’arriverait ce qui m’arrive !…

Puis il fit cette réflexion :

— Ils parlent trop vite, ces messieurs. Ils parlent bien, mais ils parlent trop vite. On peut pas s’expliquer avec eux… Cipal, vous trouvez pas qu’ils parlent trop vite ?

Mais le soldat marchait sans répondre ni tourner la tête.

Crainquebille lui demanda :

— Pourquoi que vous me répondez pas ?

Et le soldat garda le silence. Et Crainquebille lui dit avec amertume :

— On parle bien à un chien. Pourquoi que vous me parlez pas ? Vous ouvrez jamais la bouche : vous avez donc pas peur qu’elle pue ?

Crainquebille, reconduit en prison, s’assit, plein d’étonnement et d’admiration, sur son escabeau enchaîné. Il ne savait pas bien lui-