Page:France - Opinions sociales, vol 1, 1902.djvu/54

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et la noblesse d’y défendre par l’épée le laboureur et l’artisan, quand ces ordres ne furent plus que des membres gonflés et nuisibles, tout le corps périt ; une révolution imprévue et nécessaire emporta le malade. Qui soutiendrait que, dans la société actuelle, les organes correspondent aux fonctions et que tous les membres sont nourris en raison du travail utile qu’ils produisent ? Qui soutiendrait que la richesse est justement répartie ? Qui peut croire enfin à la durée de l’iniquité ?

— Et comment la faire cesser, mon père ? Comment changer le monde ?

— Par la parole, mon enfant. Rien n’est plus puissant que la parole. L’enchaînement des fortes raisons et des hautes pensées est un lien qu’on ne peut rompre. La parole, comme la fronde de David, abat les violents et fait tomber les forts. C’est l’arme invincible. Sans cela le monde appartiendrait aux brutes armées. Qui donc les tient en respect ? Seule, sans armes et nue, la pensée.

» Je ne verrai pas la cité nouvelle. Tous les changements dans l’ordre social comme dans l’ordre naturel sont lents et presque insensibles. Un géologue d’un esprit profond, Charles Lyell, a démontré que ces traces effrayantes de la période glaciaire, ces rochers énormes traînés dans les vallées, cette flore des froides contrées et ces animaux velus succédant à la faune et à la flore des pays chauds, ces apparences de cataclysmes sont, en réalité, l’effet d’actions multiples et prolongées, et que