Page:France - Opinions sociales, vol 1, 1902.djvu/80

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de vos études et contre les applications forcées de vos premières expériences scientifiques. Vous avez voulu demeurer dans ces régions sereines de la pensée et de la réflexion. C’est la sagesse même. Mais si c’est offenser la science que de la traîner de force dans le domaine agité de l’existence sociale, c’est méconnaître son pouvoir souverain que de ne lui pas demander des règles de vie et des principes d’action. Considérez, citoyens, que nous vivons en des temps où les conditions sociales sont encore déterminées dans leur ensemble par des croyances et des préjugés qui ne sont pas seulement étrangers à la science, mais qui lui sont contraires, qu’il importe de substituer à l’esprit théologique l’esprit scientifique dans tous les domaines où notre activité s’exerce, et que votre tâche, si généreusement commencée, serait vaine, si vous ne conformiez pas tous vos actes privés ou publics à l’idée que vous vous faites de la nature après l’avoir considérée avec bonne volonté. Prenez garde qu’à l’heure où nous sommes, cette science que vous aimez, et qui vous donne tant de force, est combattue par une innombrable armée d’esprits rétrogrades que commandent des moines fanatiques. Prenez garde que l’esprit théocratique donne en ce moment un assaut furieux à l’esprit d’examen ; qu’il est temps de veiller à la défense de toutes nos libertés et de la République, qui seule nous les garantit, et que c’est nous, comme dit la Marseillaise, qu’on médite de rendre à l’antique esclavage.