Page:France - Opinions sociales, vol 1, 1902.djvu/91

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Depuis trente ans, par ce qu’elles ont fait et surtout par ce qu’elles n’ont pas fait, les Chambres n’ont pas peu contribué à rendre la République moins aimable et moins sûre qu’elle ne promettait de l’être à son avènement. Certes la Chambre qui maintenant expire n’a montré, dans sa vie, qu’une faible pensée et un médiocre courage. Née dans l’erreur, le mensonge et l’épouvante, sous un ministère criminel, elle traîna une existence incertaine et molle. Il semble que la peur soit l’inspiratrice et la conseillère de nos députés, et l’on peut dire de nos Chambres que leur faiblesse trahit tous les partis.

Vous voyez, citoyens, que je ne tombe pas accablé d’un respectueux étonnement devant la majesté de nos institutions politiques. Mais quand nos fougueux nationalistes en réclament la destruction soudaine, quand nos grands plébiscitaires demandent d’une voix retentissante la suppression des parlementaires, je vois trop qu’ils pensent les remplacer par des patrouilles de cavalerie, et que la liberté n’y gagnerait rien. Dans l’état actuel de nos institutions et de nos mœurs, le suffrage universel est l’unique garantie de nos droits et de nos libertés, et il suffirait d’un souffle, d’un souffle de fraternité passant sur nos villes et nos campagnes, pour qu’il devînt un instrument de justice sociale.