Page:France - Saint Yves.djvu/63

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de la guerre et la vénalité des juges, tout était une source de souffrances et de misères pour le peuple. Les pauvres et les mendiants ne furent jamais plus nombreux en Bretagne. Saint Yves a su compatir à leurs maux, et les soulager de son bien qui était loin d’y suffire. Il plaidait gratuitement leurs causes, leur ouvrait les portes de l’archidiacre de Rennes, en attendant qu’il pût les recevoir à sa table, dans son presbytère de Louannec et son manoir de Kermartin. C’est peut-être à ce trait de sa vie qu’il faut reporter l’usage immémorial du souper des pauvres, le soir de sa fête, dans un des hôtels de Tréguier. Ces malheureux qui ont mendié toute la journée, sur la route de Kermartin, feignant ou exagérant certaines infirmités, sans s’épargner quelquefois les uns aux autres les injures les plus grossières, se réunissent en frères, dans la plus grande salle de l’hôtel, pour souper ensemble, des recettes du pardon, oubliant dans la plus douce intimité, qu’ils sont, le reste de l’année, accablés par les misères de la vie. Personne n’en est scandalisé à Tréguier, et plusieurs vont voir festoyer les pauvres de saint Yves, ne sachant trop que penser de cette prodigalité d’un jour !