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SOUVENIRS D’UN PAGE.

Peut-être, hélas ! que l’amertume de celles qui les ont suivies contribuait à me les rendre encore plus chères !… Quoi qu’il en soit, rien ne touche mon cœur comme la pensée de ces temps de bonheur. C’est ici mon chapitre, celui dans lequel je me complais. Qu’on me pardonne donc sa longueur, peut-être son peu d’intérêt ; il en a un bien vif pour moi, et tout ce qui y a rapport me fait toujours tressaillir.

De quelle ressource n’étaient pas pour la jeunesse ces beaux établissements, où les rejetons de la noblesse puisaient, au milieu de la cour, l’héroïsme et l’attachement à leur souverain ! Et combien ces ressources avaient d’étendue ! puisque, à mon arrivée à Versailles, on y comptait cent cinquante-huit pages, sans ceux des princes du sang qui résidaient à Paris.

J’entrai d’abord aux pages de la chambre du roi. Après quatre ans, les réformes, les circonstances, me firent passer à ceux de la grande écurie ; je puis donc parler de l’un et l’autre service, aussi bien que du gouvernement intérieur de cet établissement, qui n’était pas une des choses les moins curieuses à observer.

Les pages de la chambre étaient au nombre de huit. Leur service, borné à l’intérieur du château, ne demandait ni taille ni force ; aussi y entrait-on très-jeune, et j’en ai connu qui y étaient arrivés à neuf ans. Deux gouverneurs et un précepteur étaient chargés de surveiller leur éducation ; et, grâce à leur petit nombre, cette éducation était bien supérieure à celle