Page:France d’Hézecques - Souvenirs d’un page de la cour de Louis XVI.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
148
SOUVENIRS D’UN PAGE.

monde qu’elle y attirait faisaient vivre cette immense population. Et qui croirait que sur aucun point de la France le feu de la Révolution ne se développa avec autant de fureur que parmi ce peuple, qui ne subsistait que des bienfaits de la cour, ou par les places qu’elle y occupait ? L’heure du départ du roi fut celle de la ruine de cette ville ; la misère vint aussitôt y établir son empire. Quel contraste pour celui qui vit autrefois l’éclat et la richesse de cette cité, et qui voit à présent l’herbe croître dans ses rues et dans ses places publiques ! Quelques mendiants, anciens serviteurs ingrats des meilleurs des maîtres, vous entourent, vous persécutent pour vous faire visiter et vous montrer les restes de tant de grandeur, et obtenir de vous quelque secours dans leur dénûment. Tout s’écroule. Les grilles arrachées rappellent des forfaits ; les restes de magnificence qu’on aperçoit sont un souvenir douloureux de la splendeur de ces lieux. On cherche où sont les maîtres de ces vastes domaines, et l’on frémit en pensant qu’ils ont disparu avec la rapidité de l’éclair, ne laissant après eux qu’un souvenir douloureux et une puissante leçon, et l’on redit alors avec l’auteur des Ruines : « Ici fleurit jadis une ville opulente, ici fut le siége d’un empire respecté ; oui, ces lieux maintenant si déserts, jadis une multitude vivante animait leur enceinte. Une foule active circulait dans ces routes aujourd’hui solitaires ; en ces murs où règne le silence retentissaient sans cesse le bruit des arts et les cris d’allégresse et de fête.