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SOUVENIRS D’UN PAGE.

Le château de Saint-Germain, abandonné de la cour pour le superbe Versailles, servait de retraite à quelques familles qui, par une sage économie, et à la faveur du bon marché des vivres, rétablissaient leur fortune. Le seul appartement du roi restait vacant.

Quand je visitai Saint-Germain, je vis avec peine tant de vastes pièces livrées aux rats et aux araignées, sans meubles ni décorations. Les amis que j’allais voir occupaient, au château, l’appartement de la reine et celui où était morte la reine d’Angleterre. La salle des Gardes était changée en cuisine, malgré sa haute et splendide cheminée de marbre où je vis le tourne-broche installé. Le salon était l’ancien cabinet de la reine. On y remarquait encore la même tapisserie qu’elle avait découpée elle-même, et qui représentait, sur un papier de la Chine, tous les détails de la culture du thé. Mon ami couchait dans l’alcôve d’Anne d’Autriche. Un vieux tableau de Bassan, placé sur la cheminée, avait vu la naissance de Louis le Grand. Plusieurs petits cabinets avaient leurs fenêtres grillées avec une élégance et une force extraordinaires. Cette fermeture était un effet de la méfiance de Louis XIII, qui voulait ainsi empêcher sa femme de recevoir chez elle les personnes qui la conseillaient. Ces fenêtres donnant sur une galerie découverte, on apercevait, de cette façade du château, les clochers de Saint-Denis ; et ce serait, a-t-on dit, la vue de cette église qui aurait engagé Louis XIV à préférer la marécageuse ville de Versailles au beau plateau de Saint-Germain et à sa magnifique