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Page:France d’Hézecques - Souvenirs d’un page de la cour de Louis XVI.djvu/305

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SOUVENIRS D’UN PAGE.

le peuple était dans les rues. Les fenêtres, louées à un prix énorme, étaient garnies d’une foule de curieux accourus de toute part. Les députés se rendirent à l’église de Notre-Dame, et y attendirent la cour, qui y vint avec son cortége des plus grandes cérémonies.

Le roi était dans sa voiture à deux chevaux avec toute sa famille, suivi de douze ou quinze autres voitures remplies de dames et des grands officiers de la cour. Les chevaux, magnifiquement harnachés, avaient la tête surmontée de hauts plumets. Toute la maison du roi, les écuyers, les pages, à cheval, la fauconnerie, l’oiseau sur le poing, précédaient le superbe cortége. Quand il fut arrivé à Notre-Dame, la procession commença entre deux haies de troupes et une multitude qui, déjà imbue de l’esprit de faction, applaudissait à la vue du tiers état, et surtout du comte de Mirabeau, député de cet ordre, remarquable par son horrible figure et sa tête monstrueuse, qu’il affectait de porter avec plus d’arrogance encore que de coutume. À la vue de la noblesse les applaudissements cessèrent, pour reprendre avec plus de fureur au passage de M. le duc d’Orléans, qui, dédaignant son rang de prince du sang, s’était placé parmi les députés de son bailliage. Les acclamations s’arrêtaient de nouveau à l’approche du clergé. À peine le roi lui-même reçut-il quelques marques d’affection de cette foule déjà révolutionnaire.

Le tiers état ouvrait la marche, habillé de noir avec le petit manteau et le rabat affecté aux gens de justice.