Page:France d’Hézecques - Souvenirs d’un page de la cour de Louis XVI.djvu/335

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
318
SOUVENIRS D’UN PAGE.

reine avait fait remeubler pour y coucher quand elle venait au spectacle à Paris, le reste était dans le plus affreux délabrement. Par une saison froide et pluvieuse, cette famille infortunée, abreuvée d’outrages et d’opprobres, vint donc, après une route pénible et au milieu de sinistres appréhensions, se reposer un instant dans ces vastes chambres où elle ne trouvait pas même ces petites commodités que le moindre bourgeois peut rencontrer dans sa maison. À peine y avait-il des lits, et si la famille royale n’avait été, ce jour-là, nourrie de ses larmes et de sa douleur, elle y eût à peine trouvé de quoi se sustenter.

Les trois premiers jours ne furent qu’une suite de tumultes et d’embarras. Tous ceux qui, par zèle plus que par ordre, avaient suivi le roi, couchèrent les premières nuits sur des tables ou sur des banquettes répandues dans les antichambres. Le roi passa ces premiers jours à Paris à consoler sa famille et à céder aux cris d’une populace effrénée qui remplissait les cours des Tuileries et qui, sans cesse, appelait aux fenêtres la famille royale obligée de céder à ses caprices. Petit à petit on s’arrangea, on meubla un peu. Chacun, revenu de sa stupeur, reprit ses fonctions ; mais la cour fut toujours très-mal dans ce palais. C’était une préparation aux misères que ces malheureux princes devaient éprouver, aux nuits passées dans les cellules des Feuillants, aux tourments de la tour du Temple, aux horreurs de la Conciergerie.

Je suis loin, on le sait, de blâmer le luxe et la ma-