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SOUVENIRS D’UN PAGE.

tion de la liberté, avait rendu un décret qui convoquait à Paris des députations des gardes nationales et de l’armée de terre et de mer, afin de resserrer les liens fraternels qui devaient unir tous les citoyens. Chaque faction espérait, par l’influence qu’elle exerçait sur ces différents corps, avoir les fédérés à sa disposition et s’en servir pour frapper un grand coup à son profit. Le duc d’Orléans, qui était depuis six mois en Angleterre, accourut pour ce grand jour. L’inquiétude et les alarmes étaient si répandues dans Paris, que bien des personnes, effrayées, quittèrent cette ville dans la crainte de voir les diverses factions en venir aux mains. Mais, pour cette fois, les députés furent choisis avec soin parmi la classe aisée, et tous ces fédérés, déjà bien disposés, furent de suite gagnés à la famille royale, à la vue de ses vertus et de ses malheurs.

Les huit jours qui précédèrent la fédération furent marqués par un désordre et une licence dont les temps de troubles peuvent seuls donner un exemple. Trois mille ouvriers travaillaient au champ de Mars à y former un vaste amphithéâtre avec des gradins en terre capables de contenir deux cent mille spectateurs. Sous le prétexte d’aider les ouvriers, une population insolente se répandait dans les rues, forçait les citoyens paisibles à se rendre dans l’amphithéâtre avec des outils. Les moines, les religieuses, voués à la retraite, n’étaient pas à l’abri de ces persécutions. On forçait les couvents au bruit d’une musique guerrière. Les Chartreux, les